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Tunisian Othello-أوتلو التونسي
17 avril 2019

Avis Juridique: Sur la légalité et la constitutionnalité de la décision de suspension des salaires des enseignants universitaire

 

Cette consultation juridique est faite par un avocat, elle porte sur la question du gel des salaires des universitaires depuis le mois de Mars 2019 par le Ministre de l'Enseignement Supérieur Slim Khalbous 

Le ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique a pris une décision de suspendre les salaires des enseignants universitaires qui observent depuis le 2 janvier 2019 une grève administrative. D’ailleurs, tout en assurant leurs tâches relatives à l’enseignement et à l’encadrement, nos collègues ont retenu les sujets d’examen et les notes du premier semestre. Cette grève lancée en réaction au non respect du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique de l’accord du 7 juin 2018 conclu avec le syndicat IJABA.

Le droit de grève est un droit fondamental reconnu par la constitution du 27 janvier 2014. L’article 36 de la constitution dispose que « le droit syndical, y compris le droit de grève, est garanti ». La grève est nécessairement un mouvement collectif concerté. Elle se traduit par l’inexécution incomplète des obligations de service. La grève lorsqu’elle est licite, ne donne pas lieu à des sanctions disciplinaires. Mais, le fonctionnaire gréviste qui n’effectue pas son service n’aura pas droit au traitement pour les jours de grève. L’article 13 du statut général de la fonction publique « les agents de l’Etat, des collectivités publiques locales ou des établissements publics à caractère administratif ont droit, après service fait, à une rémunération ». L’article 41 du code de comptabilité publique « Aucun paiement ne peut être effectué qu’au véritable créancier justifiant de ses droits et pour l’acquittement d’un service fait ». La règle du service fait est une mesure comptable, elle vise la protection des deniers publics. L’article 96 du code de comptabilité publique ajoute que « les traitements et autres émoluments assimilés sont liquidés par mois et à terme échu, tous les mois étant indistinctement comptés pour trente jours. Le douzième de l’allocation annuelle se divise en conséquence par trentième et chaque trentième est indivisible ».

Mais est ce la rétention des examens par les enseignants est considérée comme une forme de grève ? En cas de réponse affirmative, est ce qu’on peut parler de règle de service non fait et est ce que cela justifie la décision de suspension de salaire prise par le ministère ?

Les enseignants ont des tâches diverses : tâches pédagogiques (enseignement) et tâches administratives (corrections des devoirs, l’organisation des examens, remises des notes..). Le conseil d’Etat français a considéré la grève administrative comme consigne syndicale légale : 2 positions différentes du conseil d’Etat français : Dans l’arrêt Syndicat national de l’enseignement secondaire et syndicat national de l’enseignement technique rendu le 8 février 1967, le Conseil d’Etat a reconnu qu’en cas de grève partielle des enseignants consistant en l’inexécution de certaines de leurs obligations de service telles que la participation aux conseils de classe, la correction des devoirs et compositions, l’établissement et la communication des notes concernant le travail des élèves et la préparation et l’organisation des examens, il y avait bien absence de service fait justifiant des retenues sur traitement conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi du 29 juillet 1961.

Dans une autre décision  qui date du 18 décembre 1981, ministre des universités c. Penin et autres :  le conseil d'Etat a jugé dans le cas d'enseignants d'université ayant refusé, sur consignes syndicales, de communiquer lors d'une session d'examen et pendant trois semaines les notes de contrôle continu des connaissances, qu'il n'y avait pas eu absence de service fait dans la mesure où les intéressés avaient assuré toutes les autres tâches et accompli leurs heures de service pendant la période de rétention des notes « considérant qu’il ressort des pièces du dossier que si M. Penin et les autres assistants de droit et des sciences économiques de l’université de Montpelier dont les rémunérations ont été l’objet de retenues ont, en application de consignes syndicales, refusé de communiquer aux dates prescrites les notes de contrôle des connaissances lors de la session d’examen de juin et juillet 1976, ils ont néanmoins assuré toutes leurs autres tâches et accompli leurs heures de service pendant la période de rétention des notes ; qu’il suit de là, d’une part, qu’en l’absence de toute autre disposition législative limitant le droit au traitement qu’ils tiennent de l’article 22 précité de l’ordonnance du 4 février 1959, les intéressés ne pouvaient de ce seul fait être privés du droit de percevoir l’intégralité de leur rémunération ».  

Dans les deux cas, le conseil d’Etat n’a pas considéré la rétention des notes ou la non organisation des examens comme grève illégale qui peut donner lieu à des sanctions disciplinaires. Elle ne peut non plus être considérée comme manquement au devoir. L’article 107 du code pénal dispose dans son premier paragraphe que « le concert, arrêté entre deux ou plusieurs fonctionnaires ou assimilés en vue de faire obstacle par voie de démission collective ou autrement, à l’exécution des lois ou d’un service public, est puni de l’emprisonnement pendant deux ans ». Mais il ajoute dans son deuxième paragraphe que « cette disposition ne fait pas obstacle à l’exercice, par les agents publics, du droit syndical, pour la défense de leurs intérêts corporatifs dans le cadre des lois qui le réglementent ».

Dans tous les cas, considérée comme absence de service fait ou non considérée ainsi, la rétention des examens ne peut conduire à la suspension des salaires des enseignants grévistes. La retenue sur traitement est un simple procédé de liquidation et ne peut cacher une punition. La privation du salaire qui est prévue par le statut général de la fonction publique dans un seul cas celui de l’exclusion temporaire du fonctionnaire à titre de sanction disciplinaire et qui ne peut être prononcée par le supérieur hiérarchique qu’après consultation du conseil de discipline (commission administrative paritaire), ne peut avoir lieu dans ce cas. La grève des enseignants universitaires est légale car précédée par un préavis et donne lieu uniquement à une retenue des salaires calculable sur le 1/30ème du salaire mensuel. Une retenue qui doit être proportionnelle aux heures de travail non accomplies.

LEGAL

avocat-conseil-enligne

 

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